Préparez-vous toujours vos gâteaux avec amour? Ne profitez-vous pas de ces moments en cuisine pour vous déstresser, pour oublier une mauvaise journée? A quoi pensez-vous exactement lorsque vous fouettez énergiquement une crème, lorsque vous enfournez vos gâteaux? Préférez-vous cuisiner quand vous êtes joyeux ou le faites-vous pour vous remonter le moral?
Peut-être vous poserez-vous la question après avoir lu La singulière tristesse du gâteau au citron, un roman américain de Aimee Bender, élu Prix du meilleur roman par les lecteurs de Points, car si autour de vous, quelqu'un a le même don que celui de la protagoniste, vous ne pourrez plus rien lui cacher...
Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais la couverture peut faire croire qu'il s'agit d'un de ces romans fait sur mesure pour être lu à la plage sans bien réfléchir. Mais regardez de plus près et vous trouverez que cette unique bougie encore fumante juchée sur le haut du gâteau au citron un peu trop fluo et cette silhouette dans l'ombre de l'énorme part sont peut-être plus intéressantes que ce qu'on pensait...
La singulière tristesse du gâteau au citron est un roman d'apprentissage dont l'héroïne, Rose, rappelle Olive et Paloma, ces petites filles exceptionnelles de Little Miss Sunshine ou de L'élégance du hérisson. Loin des concours de Miss America et des analyses philosophiques de Paloma, Rose découvre lors de son 9e anniversaire, qu'elle a un don : celui de ressentir toutes les émotions de la personne qui a cuisiné ce qu'elle mange. Ainsi, en goûtant le gâteau au citron que sa mère lui a préparé, Rose découvre à quel point cette dernière peut se sentir mal. Elle préférera alors déjeuner des chips industriels plutôt qu'un petit plat maison afin de ne pas se sentir mal à l'aise, déprimée, écoeurée, car quoi de plus rassurant qu'un produit standardisé, conditionné par une machine dépourvue de tout sentiment? Plus personne ne pourra alors lui mentir sur ses sentiments réels : certains en abuseront pour pouvoir mieux se connaître et être sûr de faire les bons choix, d'autres seront trahis par leurs sentiments qui révéleront une liaison extra-conjugale...
Nous la suivons depuis ses 9 ans jusqu'à ce qu'elle devienne une jeune femme épanouie malgré son travail peu valorisant de plongeuse dans un restaurant français.
Pour apprécier ce livre, il faut accepter dès le départ ce soupçon de surnaturel qui nous suit tout au long du roman. Ce don n'est finalement qu'un prétexte pour parler de la difficulté que nous avons à passer à l'âge adulte et pour évoquer la complexité des rapports humains.
Se servir de la nourriture pour raconter cette histoire est finalement plutôt original : tout le monde peut s'identifier aux personnages grâce à cette tâche quotidienne qu'est la préparation d'un repas et l'auteur réussit à révéler la poésie que la cuisine et la pâtisserie recèlent. Elle nous invite aussi quelque part à nous concentrer sur ce que nous mangeons : les saveurs révèlent davantage que ce que nous croyons. C'est aussi l'occasion de penser à toutes les personnes qui sont derrière toutes ces choses - pâtissiers, cuisiniers, boulangers - et qui cuisinent avec ce qu'ils sont. Sachons apprécier leur travail et valoriser le temps passé à préparer des pièces uniques.
Voici quelques extraits du début du livre :
" La pièce a embaumé le beurre, le sucre, le citron et les oeufs en pleine cuisson et à cinq heures, quand le minuteur a sonné, j'ai sorti le gâteau et l'ai déposé sur la cuisinière. La maison était silencieuse. [...] Mais dehors le jour déclinait, et tandis que j'avalais cette première bouchée, et que la première impression s'évanouissait, j'ai senti un changement subtil s'opérer à l'intérieur, une réaction inattendue. [...] Je sentais sans difficulté le chocolat, mais par glissements légers, comme un effet secondaire qui se déroulait, se déployait, j'avais le sentiment que ma bouche se remplissait aussi d'un goût de petitesse, d'une sensation de rapetissement, de contrariété, d'une distance dont je devinais qu'ils étaient liés à ma mère, le goût de sa pensée fourmillante, [...]comme si j'étais capable de sentir le grincement de sa mâchoire ayant provoqué cette migraine [...] Tout cela n'avait pas trop mauvais goût, mais chacune de ces saveurs paraissaient incomplète et creuse, comme si le citron et le chocolat ne faisaient qu'envelopper un vide. "
Je pense que ce genre de littérature plaira aux blogueurs culinaires qui ne peuvent pas être insensibles à ce genre de propos ! Je serai curieuse de savoir si certain(e)s parmi vous l'ont lu, et de connaître votre avis, alors n'hésitez pas à commenter par la suite!
Dites-moi également si ce genre de post vous plaît, car j'ai déjà en tête d'autres oeuvres évoquant la cuisine et la pâtisserie...